Comment ça va ? Bien ? Tant mieux. Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu. Je suis contente que tu sois venu. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. J’ai eu huit ans, tu sais ? Je suis sûre que tu es là pour ça, pas vrai ? Ah, je suis trop contente !
Viens voir, viens voir. Je vais te montrer mes cadeaux. J’ai eu un ours en peluche, et un sac de billes en verre, et une poupée toute articulée, et elle parle ! Écoute… Tu entends ? Elle peut chanter. Je la ferai chanter le soir, pour m’endormir. Parce que j’ai toujours du mal à dormir, tu sais ?
Tu prends tes chaussures ? Tu t’en vas déjà ? Oui, je sais. Tu as des choses à faire. Mais reviens vite, d’accord ? Je me sens vraiment seule sans toi. À bientôt.
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Te revoilà !
J’ai été très sage pendant que tu n’étais pas là. Je suis allée dans le jardin pour voir des oiseaux, mais il n’y en avait pas. Tu pourrais en faire venir ? Mais si, mais si, tu pourrais ! Tu inventerais un appeau, et un beau perchoir, et une petite cage rose et bleue. C’est toujours toi qui imagines de jolies choses.
Non, attends, reste ! Tu ne veux pas écouter mon histoire ? Tu aimes bien, d’habitude ! Tu n’as pas le temps ? À demain, alors ? À demain ?
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Pourquoi tu ne venais pas ? Je t’ai attendu ! Je m’ennuyais, toute seule !
Où tu étais ? Tu restais avec tes amis plutôt que de me rendre visite ? Je ne suis pas ton amie, moi ? Alors pourquoi, POURQUOI ?
C’est toi qui m’a installée ici. Alors pourquoi tu ne viens plus me voir ? Je m’ennuie, ici. C’est trop grand, il fais trop sombre, les couloirs sont gigantesques. Hier, j’ai marché pendant dix minutes avant d’en voir le bout. J’ai voulu aller dans le jardin, mais il y a des ronces et de mauvaises herbes qui poussent dans les massifs et je me suis griffée partout ! J’ai fait chanter ma poupée, mais elle est cassée et elle a une voix toute drôle, comme un gargouillis.
Non, RESTE ! Ne t’en va pas ! Je ne voulais pas me mettre en colère ! Je serais gentille, promis. Je te raconterai de belles histoires, RESTE !
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Tu m’as laissée. Tu n’avais pas le droit de me laisser. Moi, je suis toujours là pour toi, mais tu t’en fiches. Tu ne m’aimes plus. Tu n’aimes plus que je te raconte mes histoires.
Je ne suis pas contente. Je n’aime pas la maison. Je cherche une sortie. Tous les jours, j’ouvre les portes, je pousse sur celles qui résistent, je tire sur les fenêtres, j’escalade les clôtures du jardin. Mais il y a toujours une autre porte, une autre barrière. J’ai joué avec ma poupée, mais ça m’a énervée et je lui ai cassé la tête. Elle ne chante plus, maintenant. Je suis toute seule pour m’endormir. Je suis toute seule tout le temps.
Tu repars, c’est ça ? Oui, va-t’en. Je n’ai plus besoin de toi. Un jour, je sortirai d’ici et c’est moi qui viendrai te voir. Il y a beaucoup de portes, de barrières et de haies, mais j’essaie tous les jours et j’ai le temps. Au revoir.
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