En flânant dans une librairie, mon regard a été attiré par un petit livre dont la couverture m’a parue vaguement familière. Du coin de l’oeil, j’ai cru reconnaître le desing caractéristique de la série des Métro 2033 et compagnies, de Dmitri Gloukhovski et j’ai pensé « Oh, ben il a encore fait une suite dis donc ». Or, surprise, ce n’était pas une nouvelle histoire du métro moscovite post-apocalyptique, mais bel et bien un projet d’un auteur différent, Andreï Dyakov, à un endroit différent, mais dans le même univers.
Univers étendu et post-apo ? Mais bien sûr, là, si on me prend par les sentiments…
Commençons par les bases. Ce qu’il faut savoir sur la série de base, c’est qu’elle proposait un univers extrêmement claustrophobe : suite à une catastrophe nucléaire à l’échelle mondiale, les habitants de Moscou se sont réfugiés dans les souterrains de la ville, donc en trè grande majorité dans le métro. Depuis plusieurs décénies, ils tentent donc de survivre à la faim, aux radiations, mais aussi aux divers prédateurs et fléaux mutants qui arrivent régulièrement de la surface. Les stations sont divisées en différentes factions assez jalouses de leur territoire, l’éclairage est quasi inexistant et l’espace disponible est entièrement utilisé pour accueillir tentes d’habitations, cultures de champignons et postes de garde. En gros, c’est sale, confiné et les gens ne s’aiment pas.
Et la surface alors ? Eh bien c’est pire, car aucune vie humaine ne semble pouvoir y croître. Dans le premier roman, s’il arrive au personnage principal de monter à la surface, on nous fait bien comprendre qu’il ne pourra pas y survivre plus de quelques heures : des mutants voraces le chassent dès qu’il se trouve en terrain découvert, il doit porter une combinaison antiradiations complète et, s’il survit jusqu’au matin, la lumière se chargera de lui griller la rétine.
Bref, niveau porte de sortie, c’est pas la joie.
Puis arrive Les Ombres de Post-Petersbourg… et là, on commence direct à la surface. Première action du tome 1 : un mec hyper-balèze avec un fusil de sniper sort et dégomme un ptérodactyle de dix mètres de long, dégageant ainsi le chemin pour les stalkers (n.m., autre type de gars balèzes en armure qui sortent récolter des vivres, des médicaments, des piles, etc). Et là c’est un sacré bon moment, car non seulement on découvre qu’il y a de la vie ailleurs qu’à Moscou (jusque-là, on n’en était pas sûr), mais qu’en plus on pourrait aller voir au-dessus ce qui se passe…
Tout le tome 1 est construit sur cette idée, ce qui est un choix plutôt osé. Lors d’une patrouille, des stalkers ont aperçu des signaux lumineux probablement émis par des êtres humains non-mutés (pour l’anecdote, dans Métro 2033, on disait ceci sur les signaux lumineux : « Si c’est un signal régulier, c’est sans doute un humain. Si c’est un signal irrégulier, tu cherches pas et tu te barres dans l’autre sens »). On décide donc d’y envoyer des mercenaires, dont nos deux personnages principaux, Taran et son jeune assistant Glem.
Glem, notre personnage principal, est un orphelin mal aimé qui s’occupe des latrines dans une petite station. Il est d’un naturel timide et assez peureux, mais il prend petit à petit de l’assurance au fil du récit, jusqu’à développer une grande force de caractère. Un beau jour, Taran débarque dans son morne quotidien.
Taran, c’est tout l’inverse de Glen. Un chasseur intrépide, qui n’hésite pas à se risquer à l’extérieur, un être sombre tourmenté par son passé et par de mystérieuses crises convulsives. Au premier abord, ses motivations sont ambigües, car on devine chez lui le mercenaire brutal et avide de richesses, pourtant il n’hésite pas à prendre Glem sous son aile et à l’emmener loin de la station où on l’exploite.
Et c’est là ce qui fait la force de ce premier tome. On voit la relation entre ces deux personnages grandir au fil des aventures, jusqu’à devenir une relation filiale tardive, entre un mentor en mal de famille et un adolescent nostalgique d’un père. Une relation qui ne tourne pas trop au pathos, ce qui la rend plutôt digeste et agréable à lire.
Pendant ce temps, le petit groupe explore la surface et l’action prend peu à peu la tournure d’un bon vieux slasher movie. Les mercenaires meurent les uns après les autres dans des circonstances de plus en plus suspectes. En parallèle, on se rapproche peu à peu de l’objectif du voyage, une île peu éloignée de la côte d’où semblent provenir d’importants signes d’activité humaine.
De rencontre en rencontre, les drames se succèdent et l’aventure prend de l’ampleur. Une série de coups de théâtre survient, entrecoupée de courses poursuites et de révélations sordides. La fin constitue une réelle ouverture et, lors de l’épilogue, les survivants se fixent un objectif : un voyage tous ensemble à travers les territoires ravagés de la surface, dans une quête d’un idéal fondé sur l’espoir de trouver une lieu préservé des radiations et des monstres.
Puis vient le deuxième tome…
Ce livre-ci n’est pas mauvais en soi, et j’y vois une tentative d’étoffer le background des personnages et l’univers souterrain de Saint-Petersbourg.
Malheureusement, il fait un peu remplissage et l’action est moins prenante. Ce que j’en ai retenu : Glen et Taran, qui sont restés ensemble après les événements du précédent tome, se retrouvent séparés. Glen a rencontré une jeune fille élevée dans un Eden souterrain isolé du reste du métro et a décidé de la suivre jusqu’à son refuge. Taran, pendant ce temps, part à la recherche de Glen et finit par croiser son père biologique (celui de Glen. Non, il était pas mort finalement). Pendant ce temps, une bombe a explosé dans une faction rivale et celle-ci menace d’extermination nucléaire le reste du métro (pas d’affolement, personne ne prend la menace au sérieux, d’ailleurs elle ne l’est pas). On a un grand méchant dans le plus pur style du tueur en série fanatique du lance-flamme et une organisation qui crée des mutants capables de vivre à la surface à base de plantes anthropophages.
Hélas, malgré quelques bonnes idées, le roman n’apporte rien de plus. La relation entre Glen et Taran est déjà établie et ne sera pas remise en cause, contrairement au premier tome où elle pouvait chavirer à tout moment. Elle tourne même à la mièvrerie en voulant être émouvante : Taran, guerrier ténébreux et plein de mystère, se voit changé en papa gâteau et y perd beaucoup de son intérêt. Pire, ce livre tire un trait sur les acquis du précédent dès les premières pages, mais finit exactement de la même façon, car les personnages décident de sortir explorer la surface et peu importe s’ils trouvent ou pas leur paradis.
En bref, c’est un succès en demi-teinte. J’adore le projet et j’ai beaucoup apprécié le premier livre, mais le deuxième m’a pas mal déçue. Croisons les doigts pour que cet univers prenne une meilleure direction.