Un très agréable roman de Vonda N. McIntyre, qui retrace les aventures de Serpent, une jeune guérisseuse itinérante dont l’art consiste à soigner ses patients grâce au venin de serpents (sans surprise) et qui évolue dans un monde vraisemblablement post-apocalyptique bien que cela ne soit pas réellement expliqué. Or, un jour où elle s’était arrêtée dans un village pour venir en aide à un malade, les villageois tuent malencontreusement l’un de ses animaux, qui s’avère être un serpent-du-rêve, une créature rarissime dont le venin atténue les douleurs sans tuer.
Cet accident plonge Serpent dans le désespoir, car elle se trouve diminuée de ses capacités : elle est désormais incapable de soulager les souffrance de ses patients et ne peut plus désormais que les soigner de force (sans anesthésie) ou leur prodiguer une mort rapide. Elle part donc en quête d’un nouveau serpent du rêve (ce qui est, au passage, une traduction un peu lourde pour « Dreamsnake », qui est également le titre orignal de l’oeuvre).
J’ai beaucoup apprécié de livre, bien qu’il ne soit pas exempt de quelques défauts (un certain flottement dans la rigueur scientifique quant au soin par le venin, des longueurs dans la narration, notamment lors de l’incipit où les dialogues ralentissent l’action, une trop grande place accordée au personnage principal comparé aux autres personnages…). Le monde post-apo où évolue Serpent possède un charme indéniable pour les amateurs du genre, le système de soin à base de venin est suffisamment élaboré pour rester intéressant malgré son invraisemblance et enfin les personnages sont attachants.
Serpent, puisque c’est sur elle que se concentre l’intrigue, est une jeune femme accablée par sa propre solitude, qu’elle s’efforce pourtant de nier pour se concentrer sur sa fierté professionnelle (elle est, malgré sa jeunesse, réputée parmi la caste des guérisseurs, possède des compétences en biochimie et en génétique là où le reste du monde semble être retourné à l’Antiquité). Elle possède une grande force de caractère, même si elle se retrouve fréquemment confrontée à l’échec. Or, quand son serpent du rêve meurt, elle ne pert pas seulement un outil de travail : elle se voit privée d’un compagnon fidèle, mais aussi de son système de valeurs. C’est en cela que sa quête est intéressante, car elle évolue en tant que personne afin de de reconstruire, le tout sur fond de traque et d’enjeux humanitaires.
Cet univers m’a autant plu qu’intriguée, car beaucoup de choses sont laissées en suspent. Si on découvre à la fin la réponse au mystère des serpents du rêve et si le personnage principal trouve un accomplissement à sa vie, il reste de nombreux aspects du monde qui appèlent encore un développement quand le livre se termine. Que deviennent nos héros, après avoir échappé à leurs ennemis ? Ces derniers abandonnent-ils la partie ? Les guérisseurs arriveront-ils à créer eux-même leurs serpents-du-rêve, et au fond d’où viennent-ils vraiment ? Et cette mystérieuse cité où Serpent va plaider sa cause, qui serait un ville venue des cieux, hermétiquement fermée depuis des décénies mais disposant d’une technologie très avancée ? Qu’y a-t-il derrière ses murailles, qui sont les gens apparemment humains mais clonés qui la peuplent ? Bien sûr, on peut facilement trouver des explications à ces questions. Mais j’aurais adoré assister à la première naissance naturelle des serpents chez les guérisseurs, arpenter les couloirs d’un vaisseau spacial échoué au sol depuis la dernière grande guerre, bref des aventures qui auraient valu le coup d’avoir une suite.
Un magnifique texte de SF, qui m’a tenue en haleine tout un samedi de retour de brocante où j’ai eu la chance de le trouver presque pour rien. A servir avec un grand jus d’orange, un canapé plein de coussins et un après-midi peinard sans interruptions.